Trouvailles de juillet
Faites des fêtes pour préparer la révolte : que nos pieds nus frappent le sol !
Où est-ce que j’étais passée ?
Je cavale de projets en projets, qui doivent tous plus ou moins sortir en même temps, et c’est comme quand je me lance dans un repas élaboré pour chérir mes amixs, avec quatre casseroles sur le feu et trois au four, il y en a forcément une ou deux qui commencent à cramer.
L'odeur de brûlé monte au paradis, ce qui fait redescendre ma grand-mère Odette du nuage où elle fait la sieste pour l'éternité et - pouf ! - elle apparaît dans ma minuscule cuisine pour m'enguirlander :
Ah ! ma petite fille c'est bien joli tous ces gâteaux mais ton caramel brûle !
Hélas, tu lances peut-être deux nouveaux posscass comme tu dis, et tu pitches des livres tous les quatre matins mais où en est cette newsletter ?
Elle a raison bien sûr — je laisse Mémé tournicoter le ragoût, me donner un coup de cuillère en bois sur la tête et je l'installe devant "Derrick" sur mon canapé imaginaire.
Et maintenant attention, regardez, j'ouvre le four - tadaaaa voici le premier plat : je lance une nouvelle collection d'essais, "Les Renversantes" ! Premier titre à retrouver dès octobre en librairie, le texte est génial et la couverture si belle que la nuit je me suis relevée pour la contempler.
J’ai aussi parlé dans différents micros :
J’ai raconté une histoire de dating et de serial killer dans le podcast "C'est plus compliqué que ça" — épisode “Non, le marché de la rencontre n’a pas commencé avec Tinder” (15 min)
Avec les copains du podcast Kink on a échangé nos recos de l'été dans un épisode bonus. Je suis sûre de vous avoir déjà partagé la mienne : faites de la danse libre avec vos ami·es ! Deux heures de pure danse, sans chaussures, ni téléphone ni alcool ni paroles. Si vous êtes à Paris foncez à la Swell, il reste deux séances en juillet avant leurs vacances, dont une demain soir (jeudi) !
J’ai posé des questions à des femmes brillantes dans mon salon ("les lives du lundi" sur mon Substack, que vous pouvez retrouver ici et bientôt en podcast !)
Il y eut aussi, ces dernières semaines des fêtes splendides. Pour celle de la Musique tout Paris était en transe. Une semaine plus tard avec mon voisin (je vous ai dit qu’avec mon amoureux on vivait côte à côte ? pardon je radote), on a ouvert nos deux appartements, chez lui on parlait et chez moi on dansait. Des poumpoum shorts ainsi que des glaçons furent distribués. Le lendemain je flottais dans la béatitude, car danser des heures ça vous "lave l'âme" (surtout par 35 degrés). Oh bien sûr que je vous donne la playlist (classée dans l’ordre de tout ce qu’on a passé).

Et vous, est-ce que vous faites assez la fête ? Aux Etats-Unis les statistiques montrent que les gens ne se sont jamais aussi peu invité·es les un·es les autres à des soirées — la faute au Covid et aux temps d'écran. Je n'ai pas trouvé les chiffres équivalents en France mais j'ai l'impression que c'est pareil, alors que je suis convaincue c'est un besoin fondamental : lâcher les chevaux, se mélanger, danser et chanter ensemble. Je sais que ça peut être intimidant pour certain·es d'organiser des fêtes à la maison. Ça vous intéresserait que j'explique comment en faire simplement ?
(oui bon c’est une manie chez moi de distribuer les conseils alors que certainement vous n’en avez pas besoin)
Même si c'est difficile, je vous conseille de lire cette enquête qui nomme la cause de l'explosion de la prostitution des mineures : les clients.
Qui sont ces types qui se donnent le droit de pénétrer le corps des enfants et des adolescentes ? Des dizaines de milliers de Monsieur tout le monde, comme d'habitude, apprend-on dans l'article — et même un éducateur de l'aide sociale à l'enfance, dans un des dossiers. Pourquoi ne sont-ils presque jamais inquiétés par la justice ? Parce que les enquêtes prennent trop de temps et leur issue est incertaine : il est difficile de prouver que les clients savaient que la jeune fille était mineure, ils disent tous qu'ils ont été "piégés" (à lire dans Libération)
Ensuite, je vous conseille la lecture de plusieurs articles politico-économiques, en commençant par :

Attention je me lance dans une tentative de vulgarisation d’un article d’économie politique, parce que je trouve ça PASSIONNANT.
Avez-vous vu sur circuler des blagues sur "Nicolas qui paie" ? Ce sont des images représentant souvent un homme blanc en chemise, la tête dans les mains, censé incarner la classe moyenne travailleuse qui croule sous les impôts et les prélèvements sociaux. Et peut-être connaissez-vous des cadres du privé, chef de PME, ou ingénieurs de plus en plus ouvertement racistes et qui réclament toujours plus de répression ?
Que leur arrive-t-il? On les a énervés, à force de critiquer leurs barbecues, leurs grosses bagnoles et leurs voyages en avion ? Un peu, oui - mais ce n'est pas la raison principale. Cette mutation idéologique, qu'on observe en France et ailleurs, est avant tout dûe à une mutation du capitalisme, nous explique Romaric Godin, dont chaque article me passionne — vous allez voir.
Déjà, ce qu'il faut comprendre, c'est que cette classe moyenne supérieure a toujours été au service du capital (= de ceux qui possèdent les moyens de production). Elle pense qu'elle a les mêmes intérêts que les milliardaires, admire leur mode de vie, adhère à leur vision du monde. Depuis les années 80, elle était donc à fond pour le néolibéralisme : privatiser tous les services publics, déréguler les flux financiers, intensifier le commerce mondial… Mais depuis la crise économique de 2008, elle voit bien que ça ne marche pas. La croissance est en berne, et avec l'inflation, son pouvoir d'achat diminue. Pourtant, cette classe moyenne supérieure est toujours convaincue d'incarner le "nec plus ultra de la civilisation" et que cette vie confortable, elle l'a gagné "à la sueur de son front", par son seul "mérite individuel" (même si ses plaisirs et ses valeurs sont critiqués par les sales wokistes). Alors qui sont les coupables, se demandent les Nicolas ?
Les pauvres et les fonctionnaires bien sûr ! Ces "classes paresseuses" subventionnées par un système d'aides sociales trop généreux par un "Etat spoliateur” ! Et c'est aussi la faute de "la mondialisation", qui a exposé le pays à trop de concurrence et surtout fait venir des "éléments étrangers" qui parasitent les ressources (c'est comme ça que les Nicoals justifient leur racisme).
Les grosses entreprises, elles (et tous ceux, parmi le personnel politique et les institutions, qui sont acquis à leurs intérêts) savent bien que dans ce contexte de raréfaction des ressources et de crise écologique, la seule façon de maintenir leur taux de profit, c'est de se partager ce qui reste à bouffer sur le dos des Etats et des services publics : la santé, l'éducation, etc… D'où la popularité croissante de l'idéologie libertarienne, qui veut liquider tout ce qu'il reste de protection sociale.
Mais il faut aussi conserver les fonctions autoritaires et répressives de l'Etat, donc gaver la police et l'armée : le capital a besoin d'un Etat fort pour défendre les frontières et sécuriser des ressources (y compris en faisant la guerre), et de réprimer les inévitables révoltes du peuple qui s'appauvrit. Et voilà comment les Nicolas basculent dans une idéologie a priori contradictoire, à la fois libertarienne ("à mort l'Etat!") et autoritariste ("vive l'Etat fort!"), et ça tombe bien, c'est exactement ce dont a besoin cette nouvelle mutation du capitalisme : le néofascisme.
» Est-ce que ça vous paraît clair ? Ça vous fait penser à des gens dans votre entourage ? Est-ce que vous voulez partager en commentaire les discussions que vous avez eues avec eux, et, le plus intéressant, les idées auxquelles vous n'avez pas su répondre ?
Parce que un des arguments massues à leur opposer, c'est que tout cet argent qu'on taxe aux pauvres Nicolas (qui sont effectivement plus taxés que les ultra-riches, comme nous tous) sert à financer… les entreprises, justement ! Le premier poste de dépense de l'Etat, c'est pas pour la santé, le RSA, ou l'éducation, c'est pour… les subventions aux entreprises ! On ne sait même pas combien on leur donne exactement, mais ça se compte en dizaines de milliards d'euros — 70 ? 150 ? 211 ? Au ministère des finances ils ne savent même pas compter, tellement il y a de dispositifs différents (plus de 2000) ! C'est la conclusion de la longue enquête menée par la commission sénatoriale qui a rendu son rapport le 8 juillet. Ainsi des entreprises aussi prospères que Sanofi ou Michelin reçoivent chaque année des millions d'euros d'argent public dont elles n'ont pas à rendre compte, tandis que leurs patrons ne se gênent pas pour réclamer des baisses d'impôts et supprimer des milliers d'emplois. Un compte rendu ahurissant à lire dans Le Monde.
Ah oui, et on a aussi appris qu'on était tous, en particulier les enfants, contaminé·es au cadmium, un métal lourd cancérogène qui passe dans nos céréales via les engrais — "une bombe sanitaire" selon les médecins. Bref, tandis que les scientifiques de toutes les disciplines s'égosillent et supplient nos dirigeants de prendre les mesures qui nous éviteraient de tous crever tous de chaud, de soif ou de cancer, on dirait qu'ils les lisent juste pour voir comment faire exactement le contraire. Ainsi en quelques semaines on se tape : l'autorisation des pesticides cancérigènes, les méga bassines et les élevages intensifs (scandale de la loi Duplomb), la suppression des budgets de l'Agence bio (qui soutient l'agriculture biologique, la seule qui ne soit pas nocive pour les corps et la planète…), et la mort programmée du système ferroviaire français, alors qu'on a justement besoin de trains partout !
Et avec cette réforme de l'audiovisuel public passée en force, et les budgets pour la culture en chute libre, voilà qui fragilise encore la possibilité d'être correctement informés de ce qu'il se passe, et de rêver, de se révolter et d'imaginer autre chose. Par contre de l'argent pour fabriquer des armes et de la chair à canon, ça on dirait qu'il y en a.
Ecoutez c’est simple : je les hais. Pourquoi je vous recommande de lire tout ça ? Parce que si on sait pas, on peut pas agir. Être bien informée me donne envie de me battre et on est très nombreux et nombreuses dans ce cas.
Si vous avez été révolté·es par la loi Duplomb, vous pouvez rejoindre le collectif Cancer Colère par exemple. Et n'importe quelle asso ou collectif autour de vous dont la cause vous parle un peu. La prochaine grosse bataille à mener ça sera les élections municipales (dont dépendent ensuite les élections sénatoriales), et donc je vous propose ce sujet pour les apéros avec vos potes cet été : et si on se présentait aux élections municipales ?
(surtout dans les petites villes et villages : si c'est votre cas, je vous en supplie, montez une liste ! Lumir Lapray, avec d’autres, est en train d'organiser tout cela)
Je voulais aussi vous recommander des bons gros romans d'été, des films révolutionnaires et de la samba, mais ça sera pour la prochaine fois ! Car c’est déjà très long.
Enfin non, quand même, une lecture, rien qu'une…
J’ai lu ce livre en janvier, quand il est sorti, l’autrice m’a envoyé le pdf et je l’ai lu d’une traite, bouleversée. Et je cherchais comment en parler.
Comment donner envie de lire un livre où la narratrice, jeune fille de « bonne famille », est incestée dans son enfance, violée à l’aube de l’adolescence, placée en foyer où elle commence à se prostituer, avant de se débattre toute sa vie d’adultes avec ses traumas et d’autres qui surviennent ?
J’hésitais, plus les mois passaient plus je me disais que ce livre est exceptionnel, et que s’il l’est, c’est grâce à son travail sur la distance.
Encore plus que les romans, j'aime les récits de vie. Je reçois beaucoup des récits de femmes survivantes. Ils me touchent, ils m’émeuvent, mais la plupart du temps, j’ai du mal à les finir. Souvent, c’est une écriture un peu trop travaillée qui se met entre moi et l’histoire (« trop de mots », dit mon Voisin qui parle peu) et qui finit par lasser. Ou alors, une écriture qui cherche à comprendre au lieu de raconter. Parfois aussi, le livre commence comme un grand cri, qui s’essouffle après quelques pages. A chaque fois, l’impression d’avoir été placée trop loin, ou trop près du vécu.
Et puis, avec ce livre-là, soudain, ça paraît évident.
Laure Martin raconte son histoire en se mettant au présent de chaque période. Avec elle on est la petite fille qui subit le zizi de papi. On est l’ado qui déteste sa mère, adule son père et découvre ce que sont les hommes. On est la jeune femme qui tombe amoureuse, plaque tout et tombe enceinte. On est celle qui oublie tout dans le travail, puis qui replonge… La semaine dernière, mon voisin a pris le livre presque au hasard dans la pile de livres que j'ai adorés, il a commencé à le lire, et comme moi, il a vite dit : Wahou.
… à très vite, je retourne à mes casseroles et à mon four, j'ai un délicieux gâteau qui est presque cuit et que je vous sers dans quelques jours !
Je vous embrasse — et je lis tous vos commentaires !
Victoire
Moi je veux bien tes conseils pour initier des fêtes car je ne sais pas comment m’y prendre et je n’ai jamais osé ! J’adore votre concept de deux salles deux ambiances, c’est exactement ce qui me plairait (mais j’habite à 1h de chez mon amoureux)
Hello, merci pour ta vulgarisation de l'article de mediapart elle était très claire ! Et certainement je ne fais pas assez de fêtes, je ne danse pas assez... Merci Victoire, vivement les prochains plats et bonne journée