Salut,
Depuis que j’ai dû abandonner Les Couilles et le Coeur sur la table, je dois bien reconnaître que pouvoir m’exprimer dans mon propre podcast me manque. Mais ce qui m’a souvent frustrée en faisant ces entretiens en studio, c’est de ne pas pouvoir interagir simultanément avec vous, les auditeurices, alors qu’après chaque épisode je recevais des dizaines de messages, réflexions, questions que j’aurais aimé intégrer à la discussion : ce que vous avez à dire est passionnant.
Je vous propose donc un nouveau format qui va vous permettre d'intervenir dans les discussions avec mes invité·es : le direct du lundi ! Une discussion d’une heure avec un·e invité·e, en direct, accessible à toustes, où vous pouvez faire part de vos remarques et questions. Selon les semaines, ça sera soit le soir (20h30-21h30), soit à l’heure du déjeuner (12h30-13h30) (dites moi ce que vous préférez en commentaire.). L’enregistrement (en vidéo et en podcast !) sera ensuite disponible en intégralité pour les abonné·es. Clairement, on perd en qualité sonore ce qu’on gagne en spontanéité !
(vous pouvez vous abonner ici — comme je l’ai écrit sur ma page de présentation, si vous avez vraiment envie de cette formule payante mais que vous ne pouvez pas vous le permettre financièrement, envoyez-moi un message — pas besoin de vous justifier)
Dans cette première discussion, avec Valérie Rey-Robert, essayiste spécialiste des violences sexuelles, on se demande donc : en tant que féministes, qu’attendons-nous des hommes agresseurs ?
Après une condamnation, quelles attitudes, discours, actions nous paraîtraient justes et appropriées ?
Certains soutiennent que la seule attitude possible, c’est le silence. Moi je pense qu’on a besoin d’hommes qui reconnaissent sans ambiguïtés le mal qu’ils ont causé et prennent leurs responsabilités — surtout si ils sont influents : ils pourraient bien inspirer les autres.
Cela rejoint mes questionnements de fond sur les souffrances qu’on inflige (pas seulement les hommes), comment on les reconnaît et on essaie de les réparer (oui je vais bien finir par réussir un jour à vous raconter la thérapie que je fais avec ma mère).
Alors quand j’ai vu que Nicolas Bedos, auteur et réalisateur condamné pour agressions sexuelles, sortait “La Soif de Honte”, un livre “d’une sincérité rare” où il se “confronte à ses failles”, j’ai caressé l’espoir qu’il réussisse enfin cette tâche presque impossible. Déjà parce que je suis une indécrottable “hétéroptimiste”, comme dirait Lauren Bastide. Et puis parce que je l’avoue sans honte : j’ai été fan de Nicolas Bedos.
Dans les années 2010, j’admirais son intelligence, sa verve et sa drôlerie — j’ai lu tous ses livres, vu toutes ses chroniques (qui me paraissent gênantes aujourd’hui). Malgré son sexisme bienveillant et ses blagues misogynes, il y avait quelque chose chez lui qui me touchait (bon, j’ai en général un faible pour les mecs qui prennent de la place, rient fort et jouent les séducteurs outranciers). Même si je vois bien qu’il a basculé à droite depuis un moment (comme il le reconnaît parfois dans son livre), j’étais curieuse de voir ce que pouvait articuler un homme qui avait courageusement exposé ses vulnérabilités (son alcoolisme, ses tentatives de suicide, ses TOC…).
Et bien… c’est une lecture qui m’a passionnée autant que déçue. Je n’y ai trouvé, en plus sophistiqué, que les répétitives stratégies de défense des dizaines d’agresseurs que j’ai écoutés au tribunal ou dans les médias. Qu’ils soient stars de cinéma ou étrangers sans-papiers, accusés de viols à Mazan ou à Paris, c’est la même spirale : Minimisation. Auto-centrage. Refus de réfléchir sérieusement à ce que sont les violences sexuelles (un désir de pouvoir, pas de sexualité…). Auto-apitoiement. Aucun lien fait avec le patriarcat et la masculinité. Manque d’empathie avec les victimes.
Avec Valérie Rey-Robert, nous analysons donc le livre “La Soif de Honte”, et le mettant en parallèle avec d’autres discours d’agresseurs : par exemple celui tenu récemment par Dany Caligula à Médiapart, figure du streaming d’extrême-gauche, ou celui de l’étudiant violeur anonyme dont Libération avait publié la lettre un 8 mars 2021.
Avec vous, on se demande ce que signifie vraiment assumer ses actes, et si - ou comment - une réparation est possible, tant pour la victime que pour la société ? A quoi ressemblent de vraies excuses ? Qu’attend-on des autres hommes dans l’entourage des agresseurs ?
Nous rappelons que si Nicolas Bedos se plaint de sa vie “ruinée”, les victimes de violences sexuelles elles sont hélas presque toujours forcées d’abandonner des carrières prometteuses — comme en a témoigné dans ce post déchirant Florence Porcel, et tant d’autres…
Retrouvez ci-dessous les références ainsi que les extraits du livre de Bedos que nous citons. N’hésitez pas à faire part de vos commentaires, nous vous lisons !
PROCHAIN DIRECT DU LUNDI
Comment vous vous informez, vous ? Face aux dix milliardaires qui possèdent la majorité des canaux médiatiques et de l’édition, face aux algorithmes sur les réseaux sociaux qui favorisent avant tout la viralité, comment sauver l’information ?
C’est ce que de demande Olivier Legrain (lui-même millionnaire), dans un livre co-écrit par le prolifique et pertinent essayiste Vincent Edin :
Lundi 2 juin à 20h30, faisons donc le point avec Vincent Edin sur notre situation en France : comment l’information a-t-elle muté ? Quels problèmes pose la concentration des médias dans les mains de milliardaires ? Et puis on cherchera comment faire face : à quoi ressemblerait une information libre et de qualité ? Comment pouvons-nous bien nous informer ? Nous balaierons ces questions en une heure, en veillant à ce qu’on sorte chacun·e avec des faits et de vraies pistes de solutions individuelles et collectives.
Venez, il n’y a pas de questions tabou — si par exemple vous voyez pas en quoi ces questions devraient vous préoccuper, venez quand même, laissez-vous surprendre :) Et vous pouvez déjà en proposer en commentaire !

RÉFÉRENCES DE LA DISCUSSION
“Qu’attendons-nous des hommes agresseurs ?“
Les livres de Valérie Rey-Robert : Une culture du viol à la française (2019) chez Libertalia et Le sexisme, une affaire d’hommes (2020) chez Libertalia
Elle envoie aussi une newsletter “Perdre Pieds” et écrit sur son compte instagram
Nicolas Bedos salue le livre de Caroline Fourest, “Le vertige Me Too”, publié en 2023 chez Grasset, qui a bénéficié d’une intense promotion médiatique alors qu’il est manifestement plein de contre-vérités et erreurs factuelles, relevées par Médiapart
Valérie Rey-Robert parle de l’essai de sociologie “Inceste — Et tout le monde savait”, de Léonore Le Caisne, publié en 2014 chez JC Lattès
J’ai été très impressionnée par le roman “L’hospitalité au démon”, de Constantin Alexandrakis (quelle langue ! quelle force d’introspection !), paru chez Verticales en 2025
L’enquête de Médiapart concernant les violences psychologiques et sexuelles dont plusieurs femmes accusent Dany Caligula. Il a depuis annoncé qu’il démissionnait de son poste.
La lettre du violeur anonyme publiée par Libération le 8 mars 2021 «J’ai violé. Vous violez. Nous violons »
Nicolas Bedos interviewé par Léa Salamé dans “Quelle époque” et par Peggy Sastre dans Le Point
Ovaire the Rainbow (Capucine Coudrier) sur instagram, à propos de la prise de parole de Nicolas Bedos : "Je crois en la condamnation sociale”
Le post d’Andrea Bescond sur instagram, qui “croit en la possibilité de changement”
Article de Lorraine de Foucher dans Le Monde “A l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, les violeurs en thérapie”
Tristan Renard, sociologue ; ses livres et dans le podcast Les couilles sur la table “Nous faire justice”
Petit guide du «disempowerment» pour hommes proféministes par Francis Dupuis-Déri
CITATIONS EXTRAITES DE “LA SOIF DE HONTE”,
LUES PENDANT LA CONVERSATION
“Est-ce la dérive sectaire d’une grande partie de la gauche qui t’a rendu aussi amer ou la boursouflure de ton ego menacé par une jeunesse en colère ? Le résultat est le même : t’accrochant à ta liberté comme un naufragé à sa bouée, tu lis de plus en plus Le Point, tu écoutes de moins en moins France Inter et tu as troqué Jean-Paul Sartre contre Pascal Bruckner. Pauvre de toi, devenu riche… (...) Alors tu t’es mis à recevoir des intellectuels avec qui tu échangeais depuis plusieurs années mais que tu n’avais pas le temps de voir avant. Des politologues, des éditorialistes, des sociologues, des avocats. Ceux qui défendent des idées de gauche que la gauche ne défend plus. Vous parlez de Camus, de laïcité et d’universalisme. Il vous arrive de vous demander si la transformation de l’échiquier politique n’a pas fait de vous des gens de droite. Il vous arrive de l’admettre.”
*
“L’enquêteur l’a constaté en explorant ton téléphone : ta messagerie était pleine de sollicitations explicites, de messages érotiques et de selfies suggestifs – auxquels tu ne répondais pas. Tu ne buvais pas pour draguer, tu t’abrutissais pour cesser, quelques heures, de flirter avec le monde entier. La psy a continué de noter tes fadaises dans son carnet. À la fin de la séance, elle t’a prescrit une dose industrielle de Zoloft. Deux jours plus tard, tu t’es enfui de cette clinique en grimpant dans un train. Tu te sentais devenir un peu trop triste, perdre l’envie de te battre.”
*
(dans un dialogue avec sa mauvaise conscience) “— Oublie-toi et pense à elle. — Je ne me rappelle pas d’elle, j’étais saoul. — C’est pratique, l’alcoolisme. — C’est un fait, je ne me souviens de rien. Et ça n’a rien de « pratique » : je donnerais tout ce que j’ai pour me rappeler ces quelques secondes. — Elle dit précisément que tu t’es planté devant elle, que tu as plongé dans ses yeux un regard ivre et satisfait, que tu as tendu ta main avant de la poser sur son jean, au niveau de son entrejambe, et qu’elle t’a aussitôt repoussé. — Au milieu d’une piste de danse ? — Oui.
— Je ne dis pas que c’est bien. J’ai d’ailleurs pris contact avec un psy à la suite de cette soirée. Mais ça ne relevait en rien de l’« agression sexuelle ». Et puis pardon, mais combien de fois m’a-t-on dragué en boîte ? J’ai supporté des dizaines de mains au cul, des rafales de baisers dans le cou. Combien de filles éméchées m’ont galoché de force, bien avant que je sois « connu » ? — Et ça t’a plu ? — Non, c’était chiant. Mais de là à porter plainte… — Ça n’a rien à voir. — Pourquoi ?”
*
POUR FINIR, QUELQUES TROUVAILLES…
J’ai été captivée par Le procès de Maurice Papon, qui en 1998 a été intégralement filmé. Accusé de complicité dans la déportation de 1 600 juifs pendant la seconde guerre mondiale, cet ancien haut fonctionnaire “invoque la contrainte, tandis que l'accusation souligne sa responsabilité consciente”. Même si les accusations ne sont absolument pas équivalentes, ce documentaire résonne avec notre question : qu’est-ce que la société attend d’un homme condamné ? C’est en trois épisodes, je vous le conseille absolument.
Ne m’invitez pas à vos fêtes, sauf si vous voulez bien que je prenne d’assaut la sono ! Je poursuis ma passion de lycéenne : mettre le son en soirée, en alternant les vieux tubes et les cartons neufs. Je suis loin d’être experte, mais si ça peut vous être utile, voici la playlist où je collectionne les chansons fraîchement sorties qui peuvent faire chavirer les corps (ça a plutôt bien marché samedi dernier) :
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